Against Green Capitalism

Tokyo, Japan_Paris, France

Hakim Bendaoud, “Alban Mannisi, pourfendeur du «capitalisme vert»”, lemoniteur, 2011
Interview with Carol Aplogan & Hakim Badaoud
lemoniteur.fr, 2011
Carol Aplogan, Video, 2.25 mn
Hakim Bendaoud, Text.

“Installé à Tokyo depuis 2008, et bien qu’il s’agisse d’une des villes les plus denses du monde, Alban Mannisi nous explique depuis son agence, au japon, pourquoi l’architecture paysagère ne doit pas céder aux pressions économiques et politiques.
Première rencontre d’une nouvelle série proposée par le Moniteur.fr qui associe l’image et le son. Et qui se propose d’aller à la rencontre d’architectes français et étrangers aux quatre coins du monde.

Nantes, Bordeaux, Paris, puis Séoul (Corée du Sud), Singapour, Londres et maintenant, Tokyo. C’est dans le jardin familial, en région Nantaise, à plusieurs milliers de kilomètres de son lieu de résidence actuel, qu’Alban Mannisi a expérimenté ce qui deviendra plus tard sa passion – il avait alors seize ans et déjà l’envie de redéfinir l’espace qui séparait la maison familiale de ses voisins autrement qu’en plantant des arbustes ou qu’en montant une clôture. « J’avais creusé plusieurs fossés afin de libérer le regard sans altérer le paysage », se souvient ce jeune homme de 34 ans aux allures de Pierrot Lunaire. Les voisins, eux, n’y ont rien compris. Mais qu’importe. Alban Mannisi sait ce qu’il fera quant il sera grand. Il sera « architecte-paysagiste ».

« L’industrie du paysage n’est pas mon métier »

Depuis 2008, c’est au pays du Soleil Levant que celui qui a découvert le paysage en intégrant les Beaux Arts, exerce son métier, installé à son compte après avoir créé sa propre agence, Seiwooo. Marié à une coréenne, il y’a atterrit un peu par hasard, après avoir vécu trois ans à Séoul (Corée). « Un architecte m’a contacté pour développer une plate-forme de planification paysagère. Je me suis dit, pourquoi pas ? ». Le choc culturel aura bien lieu. Mais il proviendra davantage de l’approche économique en vigueur dans les agences que du pays lui-même. « Il faut se demander en quoi le paysage à besoin de nous comme nous nous avons besoin de lui. Je suis devenu indépendant pour ça. L’industrie du paysage, que l’on pourrait également appeler capitalisme vert, n’est pas mon métier ».

Le rapport qu’entretien Alban Mannisi avec la nature est autant physique qu’intellectuel. Et c’est sans doute ce qui explique son goût pour la recherche. Outre son métier d’architecte-paysagiste, Alban Mannisi conduit en son nom ou en collaboration des projets dans plus de 13 pays différents. Depuis 2007, il publie également des articles en qualité de correspondant étranger pour la Chine au sein de la revue « International new Landscape », basée à Shangaï. Editeur, ce boulimique de travail également passionné par la photographie, dirige et publie des ouvrages de prospection sur l’espace et la création au sein de sa maison d’édition ZzaC Book. Le réseau de chercheurs qu’il a contribué à monter couvre les cinq continents. Et lui-même est régulièrement amené à voyager pour présenter ses études : Paris (l’Arsenal – 2009), Reno, USA ( Gallerie Sheppard – 2010), Séoul (Gallerie YouArtspace – 2006, KTHall – 2008) Italie (Villa Médicis – 2000, etc…

« Ce qui prime chez lui, c’est l’idée ».

Ce qui prime chez Alban, c’est l’idée. Il est peu comme ces artistes détachés des questions matérielles », témoigne Philippe Nys, maître de conférence à l’université de Paris 8. Les deux hommes, qui se connaissent depuis dix ans travaillent régulièrement ensemble au sein du laboratoire de recherche rattaché à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Paris-la-Villette, AMP (Architecture-Milieu-paysage). Philippe Nys, poursuit : « Alban aime aller vite. Parfois, il peut donner le sentiment d’être brouillon. Mais il sait parfaitement ce qu’il fait et où il va ». Pour autant, comment ne pas se sentir bridé lorsque l’on travaille à Tokyo, l’une des villes les plus denses du monde ? « La contrainte ne l’effraie pas. Et puis c’est un provocateur, s’amuse Philippe Nys. Au Japon, Alban est un étranger, ce qui est une chance, car cela lui permet de porter un regard neuf et différent sur les choses ». De toute façon, pour Alban Mannisi, que ce soit à Tokyo ou ailleurs dans le monde, la problématique est toujours la même : «  le travail du paysage, c’est  de travailler pour des générations qui n’existent pas, des  politiciens qui n’existent pas et une géographie qui n’existe pas encore. Prenez les friches. A une époque elles étaient importantes. Mais aujourd’hui, lorsque l’on demande aux plus jeunes, comment nous en sommes arrivés là, ils ne savent pas ! En ce moment, je travaille sur le fondement de la philosophie politique des paysages. C’est une recherche purement théorique et c’est d’ailleurs pour cela que j’ai décidé de réintégrer des ateliers de recherche, comme AMP en France. Avant de bâtir, il faut comprendre. C’est fondamental ».

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